Si vous pouviez voir mon sourire, ou seulement l'apercevoir... Vous pourriez voir, et comprendre où vous avez tort. Bien sûr, je n'ai pas tellement souffert dans ma vie. Juste une fois. Une toute petite fois. Vous pourriez vous rendre compte que ce sourire que vous apercevez n'est, en réalité, qu'une cicatrice. Une misérable cicatrice d'un amour en ruines, que certaines personnes ont pu enjoliver, que certaines personnes ont su rendre belle, et scintillante comme un sourire de jeune femme. Bien sûr, on a tous des chagrins d'amour, des chagrins d'adolescentes...
Et on y croit toutes, à ce jeune homme, sur un cheval blanc, qui vient nous enlever, charmant, envoûtant, trompeur. On y croit toutes à ce bonheur minable qu'on nous vend dans les séries américaines. On croit toutes à ces robes splendides, ces idées farfelues, ces gateaux gigantesques, ces bagues et ces larmes de joie. On y croit toutes à ces garçons parfaits, ces garçons inaccessibles, qui finissent toujours par craquer pour celle qui n'y croyait pas... On croit toutes à ces repas en tête à tête, ces petits morceaux de rêves qu'on nous envoie dans un regard en coin. On croit toutes à ces mots d'amour, ces promesses, ces « toujours »...
Mais, tôt ou tard, le premier amour, la première dérive, les premières folies, les premières promesses et toutes ces premières choses partent en fumée, partent en larmes, en nuits blanches et en rêves brisés. Tôt ou tard, le prince redevient l'idiot, le jeune homme redevient le garçon, charmant aux yeux des autres, charmeur aux nôtres. Et on est là, nous, pauvres idiotes, devant le miroir à se dire qu'on ne pourra plus jamais sourire. On est là, debout devant la fenêtre et on se dit qu'il va venir. Bientôt. D'un instant à l'autre. On est là, misérables et faibles, à pleurer toutes les larmes jusqu'à la dernière, à se vider sur le sol comme un nourrisson qui vient de naître. On sait plus quoi faire, on se dit, les joues trempées, le nez coulant, les cheveux en bataille, qu'on a tout perdu, et que la vie ne vaut pas d'être vécue. On frappe les meubles, on se fait mal, on ouvre la fenêtre, on regarde l'horizon, le sol, et on passe une jambe par cette même fenêtre. Pourquoi ? Avoir des sensations. Vivre. Avoir envie d'aller mieux. Avoir envie de dépasser tout ça. Avoir encore d'oublier. Vivre. Vivre. Puis, finalement, on s'écrase sur notre lit en pleurant toujours plus. Et le matin, devant le miroir, tout ce qu'on voit, c'est la pauvre fille qui y a cru. La pauvre fille qui a cru que cela pourrait être différent avec elle. La pauvre, et misérable, fille qui a cru qu'elle pourrait changer le monde. La pauvre fille et sa cicatrice en guise de sourire. Et avant de voir quelqu'un d'autre dans le miroir, ça prend un certain temps. Des mois. Des années.
Alors, si vous pouviez voir vraiment mon sourire, et le comprendre, alors vous sauriez que je n'ai pas cette innocence, je n'ai pas cette chance de n'avoir jamais été brisée. Je n'ai cette chance de n'avoir jamais douté de ce que je suis, ce que j'ai été. Je n'ai pas cette petite chance de n'avoir jamais eu l'impression d'avoir été brisée de l'intérieur, d'avoir perdu ce que j'avais de meilleur. Vous avez tort. J'ai été brisée. Mais une poignée de personnes ont su me tendre la main, et m'aider à me relever, certaines sans le vouloir, sans le penser. Alors, devant le miroir, j'ai vu cette fille, et son sourire, son vrai sourire, et ces beaux cheveux, ses yeux bleus magiques. J'ai vu cette fille. Et, maintenant, je m'en fiche bien d'y avoir cru et de m'être trompée... Je m'en fiche bien d'espérer toujours. Et s'il y a bien une chose que je ne regrette pas, aujourd'hui... C'est... C'est seulement d'y croire encore.