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14 juin 2012 4 14 /06 /juin /2012 15:31

 

 

 

                              Noémie,

 

          Tu te rappelles de ces moments, ces tout petitis instants, que nous avons passés à papoter, dans le temps ? Tu te rappelles de mes sourires tordus de bonheur, de ces yeux qui ne mentaient pas ? Des microsecondes, des infimes miettes d'un gateau que nous n'avons jamais dévoré, des pétales de fleurs que nous n'avons pas osé décrocher, des cerises noires que nous n'avons pu cueillir... Tu t'en souviens ? Moi je m'en souviens. Je m'en souviens, parce que, depuis tout ce temps, je ne pense qu'à ça. Ces choses que je n'ai pas dites, celles que tu as faites... Ces malentendus qui n'en sont peut-être pas, ces sous-entendus jamais compris... Noémie...

          J'étais quoi, moi, pour toi ? Dans le grand coffres des amis, celui tout doré, celui avec les chats noirs peints à l'encre de chine dessus, en bois, en acacia; dans ce coffre-là, j'étais quoi, moi ? Etais-je la poupée en porcelaine, la peluche déformée, le clown effrayant ? Ton monde à toi avait-il vraiment une place à m'offrir, à moi ? C'est toujours ce que je me demande. Tout me dit que je n'étais qu'un aller simple vers ton bonheur, le moyen d'y arriver, la balançoire qui te projette dans les nuages, et qui redescend seule. Au fond de ton jardin, avec ces cerises et ces fleurs, moi, j'étais seule. Dans ton coffre d'amis, tu avais toutes les perles rares que j'aurais voulu. Les roses, les dorées, les bleues, les violettes, et tu avais aussi le pendentif que je t'avais donné. Le seul, l'unique. Trouvé par terre, dans le sable, enfoui dans son désarroi, dans sa misère, tout seul. Le pendentif que j'ai pris, que j'ai lavé, et pour lequel j'ai prié. Et pourtant, Noémie, je te l'ai donné. Tu l'as chéri comme il fallait, tu l'as lavé, aussi, toi, tu l'as apprécié à sa juste valeur... Que puis-je te reprocher, sinon de ne pas l'avoir refusé ? Il s'est offert à toi comme on offre des fleurs à une jeune mariée. Il s'est offert à toi, tout seul, et je n'ai pu que te le passer. Tu te souviens bien, de ces moments, toi aussi, n'est-ce pas ? Ces moments sombres où les monstres nous attrapent avec leurs sales pattes, et nous reniflent avec leurs nez crochus, verts et recouverts de moisissures. Ces moments où les loups hurlent et les éléphants trompent, ces moments où les coccinelles deviennent gendarmes et les vers de terre deviennent serpents. Mais toi, Noémie, tu avais le pendentif.

 

          Aujourd'hui, il me semble que notre amitié n'est qu'un tas de ruines. Aucune bataille, aucun combat, ne nous a animées. Un duel silencieux. Des accords tacites. Voilà ce qui nous a ruiné. Et pourtant, j'y ai cru. J'y ai cru, à ce moment de vérité, quand tu t'es approchée, et que tu souriais. Quand je t'ai vue, je t'ai regardée, longuement. Le pendentif n'y était plus, autour de ton cou, et la blancheur de ce dernier m'a écoeurée. Pourquoi ? Tant de mal, tant de peines, pour quoi ? Pour que tu reviennes vers moi, sans avoir rien gagné, et sans avoir rien perdu. Le moral, peut-être ne l'avais-tu plus. La tristesse, peut-être, t'avait-elle gagnée. Mais au delà du pendentif que j'avais perdu et que tu avais laissé, au delà de la peine ressentie lorsque j'avais du m'en séparer, au delà de toute haine... Moi, j'étais vide. Tu as eu la chance d'avoir, dans ton jardin, une foule qui t'attendait, et te tendait la main, tu as eu cette possibilité d'être sauvée. Moi, j'étais seule sur mon balcon, face au grand vide.

 

           Et, tu sais, sauter, plusieurs fois j'y ai pensé.

 

          Je te souhaite tout le bonheur du monde, Noémie, je ne t'en veux même pas, ou plus. Je ne souhaite pas que le pendentif me soit rendu, il y a longtemps que j'ai cessé de le vouloir, et il y a longtemps que tout cela s'est passé. Aujourd'hui, je veux avancer. Pour cela, tu sais, il me faudra plus qu'un sourire et des bises innocentes, futiles. Plus qu'une musique, plus qu'une blague, plus que de vulgaires sucreries, tu sais, Noémie... J'ai simplement besoin d'accepter le fait que j'ai été un joué, manipulé, et abandonné au bout de la route, comme ces chiens boiteux dont on ne veut plus. Accepter. C'est toi qui a joué, moi qui ai perdu. Demain, j'irai sur la tombe de notre amitié, dans les ruines de ce passé dont on ne parle jamais, et j'y déposerai toutes ces fleurs, ces secrets, ces cerises et ces sourires que j'avais gardé, l'âme d'amie que j'avais construite pour toi, pour nous. Et nous disparaîtrons.

 

                                                                                                                                                                                                 Mari.

 

 

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commentaires

N
<br /> Superbe texte, très émouvant...<br />
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L'éponge absorbe, mais il faut la presser pour qu'elle s'exprime.

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Oui, j'aime Hémon. J'aime un Hémon dur et jeune; un Hémon exigeant et fidèle, comme moi. Mais si votre vie, votre bonheur doivent passer sur lui avec leur usure, si Hémon ne doit pas pâlir quand je pâlis, s'il ne doit plus me croire morte quand je suis en retard de cinq minutes, s'il ne doit plus se sentir seul au monde et me détester quand je ris sans qu'il sache pourquoi, s'il doit devenir près de moi le monsieur Hémon, s'il doit apprendre à dire « oui », lui aussi, alors je n'aime plus Hémon!


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