1. Le coeur gros...
Au détour d'un couloir, nos yeux se croisent, et je me sens fière. Chaque fois que je souris, je tourne mes yeux vers lui, pour voir s'il sourit, lui aussi, mais tout ce que je vois, c'est lui qui me fixe, et je me retourne, gênée. C'est un étrange sentiment que d'imaginer un instant, le temps d'un regard, que l'autre pense exactement la même chose que nous, et de se dire la minute d'après que, jamais, non, jamais, il ne pourra avoir une telle pensée. Il est étrange de se trouver si incertaine. Comment prend t-on contact avec quelqu'un qui semble si loin, mais si proche en même temps ? Comment est-il possible de se sentir connecté avec quelqu'un, alors que ce dernier vous ignore totalement ? Ces questions sont celles de ma vie. Lorsque je marche dans la rue, lorsque je m'endors, lorsque je ris... Je ne cesse de me poser les mêmes éternelles questions. L'incertitude nous menace à chaque pas. Chaque minuscule pas que nous effectuons nous met en garde : « Avance, mais pas trop ! »; comme si nous devions passer notre vie à douter, comme si nous devions aller de l'avant tout en reculant. Peut-être est-il plus simple d'avancer lorsque nous décidons de vivre dans le passé l'espace d'un court instant. Reculer pour mieux avancer. Un pas d'élan, en quelques sortes. À la table d'en face, il déjeune avec quelques amis, et quand sa tête se lève, je vois son sourire pour la première fois. Le cœur emballé, je m'abandonne à une course que je n'aurai jamais la chance de gagner. Cet amour-ci n'étant simplement pas fait pour être donné.