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11 août 2011 4 11 /08 /août /2011 21:39

 

 

 

Anna était allongée sur un lit, et attachée. Des lanières de cuir la tenaient au lit, pour qu'elle ne fasse aucun mouvement, et même sa tête était attachée. Son souffle était bruyant, car elle était en état de choc. On venait de la réveiller, et elle n'avait aucun souvenir. Ses cheveux blonds étaient mouillés, et elle sentait le froid se répandre dans son dos en même temps que l'eau dégoulinait.

 

-Anna ?

 

Elle regarda dans la direction de la voix. Une femme, grande, et rousse, se penchait au dessus d'elle, avec un sourire aimable et agréable. Son visage était serein, calme et rassurant. Ses yeux verts laissaient la confiance irradier la pièce et, alors, tout semblait enfin calme et sûr. La femme avait une quarantaine d'années, sûrement. Elle continuait de sourire au dessus d'Anna, en l'appellant quelque fois, prononçant son prénom en écourtant tellement le dernier « a », qu'on aurait pu croire qu'elle disait « Anne ». Anna avait fixé son regard dans celui de la rousse, et elle arrivait presque à calmer sa respiration.

 

- Anna, tu m'entends ?

 

Anna émit un petit son discret. Elle voulait dire oui, mais elle ne savait pas comment le prononcer, et elle ne savait plus comment former ce mot. Elle savait qu'il existait, mais ne savait comment le rendre audible. La belle rousse attendait, souriante, qu'une réponse sorte de la bouche pâle d'Anna. Elle avait des petites rides aux coins de ses yeux et de sa bouches lorsque son sourire compatissant et tendre fendait son visage. Anna tentait, elle aussi, de sourire à cette femme qu'elle ne connaissait pas, mais elle semblait être figée. Rien ne lui obéissait, et son visage n'était peut-être même plus le sien. La rousse l'appela encore.

 

- Anna ? Anna, si tu m'entends, il faut que tu me répondes, dit-elle fort. Tu m'entends, Anna ?

- O..Ou..i.

 

La quadragénaire sembla heureuse un instant qu'Anna lui réponde. Son visage avait prit un air joyeux et détendu, et ses yeux semblaient même contenir une petite flamme victorieuse l'espace d'un court instant. Anna respira profondément. Ses côtes lui faisaient mal, tout comme sa tête, ce qui la fit grimacer. A la vue de cette grimace, le visage de la femme sembla s'illuminer, comme si elle avait oublié de préciser quelque chose.

 

- Anna, ta tête va te faire mal un moment. C'est normal, ne t'en fais pas. Tout est normal, dit-elle avec douceur.

- O..Ou....i..

- Bien. Je m'appelle Daisy, et je vais t'aider, Anna. Tout ira bien. Tu peux parler ?

- J..Je..

- Dis-moi comment tu t'appelles.

- A..Anna Jho..Jhoans...

- C'est très bien. Parle-moi de toi.

- J..Je ssss..suis née lllll..le vvvingt-ciiinnq Sssssepttembre millllle-neuf-ssscent-qquatre-vvvvvingt-hui...

- Très bien, Anna, la coupa Daisy. C'est très bien, tu t'en sors bien.

 

Daisy fit un signe à quelqu'un. Anna fut bougée de place, et redressée. Elle se trouvait, en effet, maintenant assise face à Daisy, dans un lit sans couverture et où même sa tête était accrochée, afin qu'elle ne remue pas du tout. Maintenant, Anna pouvait voir Daisy dans son ensemble. C'était une grande femme, à la silhouette ni fine, ni pour autant laide, qui avait d'affreux mollets. Elle était habillée d'une petite jupe noire, par dessous lesquels elle avait mit des collants verts. Elle portant une petite chemise verte, qu'elle avait coincée sous sa jupe, à la manière de toute femme d'affaire. Elle avait de petites chaussures noires qui s'apparentaient à des ballerines de bon marché. Elle portait aussi des lunettes à son cou, attachées à un petit fil. Anna ne se posa pas la question du pourquoi elle ne mettait pas ses foutues lunettes noires. Daisy s'avança vers Anna et posa une main sur son épaule droite, avec un regard tendre. Elle sourit et s'assit sur la chaise qu'un petit homme aux cheveux bleus venait de lui apporter, et à qui elle ne dit pas merci. Elle croisa les jambes d'une façon très peu élégante et mit ses mains sur ses genoux. A sa main gauche, elle portait à l'annulaire un petit anneau doré, tandis que sa main droite était nue. Son poignet droit, en revanche, était garni d'un paquet de bracelets en tissu, sans doute tissés à la main, alors que son poignet gauche n'était muni que d'une vulgaire montre en plastique noir luisant. Anna la détaillait sans le cacher, et la trouvait plutôt jolie, bien que son teint ait été trop pâle.

 

- Tu te rappelles ce qu'il s'est passé, Anna ?

- N-non...

 

Daisy eut l'air gênée. Anna ressentit un léger sentiment de détresse à la vue de la gêne qu'elle avait occasionnée. Qu'avait-elle bien pu faire ? Que lui était-il arrivé avant qu'elle ne soit amenée...ici ? Daisy se leva pour faire les cents pas devant l'air inquiet d'Anna, puis, après quelques instants, elle revint s'assoir en face d'Anna. Cette dernière avait des questions. Elle voulait savoir ce qu'il s'était passé avant pour elle. Comment était-elle arrivée là ?

 

- Tu sais, Anna, c'est très difficile de révéler à quelqu'un comme toi son passé, lui dit-elle. C'est atrocement difficile, et un peu douloureux, parce qu'on ne sait jamais comment le dire.

- Ai-je été si affreuse ?

- Oh, non, rien d'affreux, non, souffla Daisy. Rien d'affreux, mais il y a beaucoup de choses difficiles à entendre pour... quelqu'un comme toi. Parce que, si vous êtes ici, c'est bien pour qu'on vous soulage, qu'on vous guérisse de votre chagrin... Alors révéler à quelqu'un toute la souffrance qu'il a enduré, continua t-elle, c'est en général à contre-coeur qu'on le fait.

- Je...

 

Anna croyait savoir. Anna croyait se rappeller de ce qu'il s'était passé. Elle n'avait pas écouté ce que Daisy lui avait dit, car elle n'en avait plus besoin désormais. Elle savait. Son petit coeur battait à tout rompre, ses yeux se remplissaient de petites larmes salées et son innocence s'effaçait de son visage peu à peu. Daisy vit son malaise et posa une main sur son épaule, compatissante.

 

- Je... J'étais chez moi et je...

 

Anna marqua une pause. Elle avait besoin de reprendre son souffle, elle avait besoin de savoir comment elle formulerait cela.

 

- J'ai tenté de... De me...

 

Anna toucha ses cheveux mouillés, bouleversée. Daisy ne répondit rien, et se contenta de laisser sa main sur l'épaule de la jeune femme. Celle-ci laissait les petites larmes de ses yeux se libérer, et les laissaient couler sur ses joues, sa bouche, dévaler son cou et glacer sa peau.

 

- Pourquoi as-tu fait ça, Anna ? Demanda gentiment Daisy.

- Je... Je ressentais tout trop fort. J'avais envie d'aller... J'ai... Je voulais recommencer comme... Avant. Vous savez, j'ai été amie avec une fille, Laura, et... On s'est fâchées pour un mec stupide avec qui je suis sortie et qui m'a brisée.

- Il t'a quittée, n'est-ce pas ?

 

Anna hocha la tête, ne pouvant affirmer à haute voix que c'était bel et bien le cas, au risque de se mettre à pleurer pour de bon.

 

- Et ensuite, Anna ?

- C'était comme lorsqu'il m'a quittée. Je me sentais mal, et je... Je n'avais pas vraiment grand monde autour de moi... En plus de ça... Je n'avais plus de quoi manger, et plus de boulot non plus... J'ai peur de tout.. Et je me sens affreusement mal... Je... Je voulais simplement que tout ça s'arrête.

- N'y avait-il aucun autre moyen ?

- Non... Je ne crois pas. Je voulais mourir, vraiment.

- Je crois que si, Anna, et tu le sais.

 

Daisy resserra sa main sur l'épaule d'Anna, compatissante et apitoyée. Elle faisait une petite grimace qui montrait combien elle avait de peine pour la jeune femme, et combien elle voulait l'aider à s'en sortir. Anna, elle, gardait un air sérieux, tout en laissant ses larmes couler à petit flot.

 

- Où sommes-nous ? Demanda Anna, afin de changer de sujet.

- Je ne sais pas, Anna, à ton avis ?

- Dans un hôpital ?

- C'est effectivement là que tu es.

- C'est un hôpital assez calme, visiblement...

- C'est parce que tu n'aimes pas la foule.

- Pardon ?

 

Daisy sourit et détacha la jeune femme, en la regardant, confiante. Anna ne comprenait pas. Il n'y avait personne. La pièce était blanche et vide, et Daisy souriait toujours. Anna sentait dans l'air du chocolat, et de la crème. Rien ne sentait l'hôpital, les infirmières, la stérilisation du matériel, ou les draps fraîchement lavés. Rien n'était vraiment normal. Anna renifla, et essuya ses larmes. Elle se leva de son lit, sous le regard attendri de Daisy, et sortit de sa chambre. Là encore, dans le couloir, il n'y avait personne. Anna se dirigea vers les ascenseurs au bout du couloir, et attendit. Daisy s'approcha d'elle et appuya sur le bouton de l'ascenseur. Un petit bruit aigu se fit entendre lorsque les portes de l'ascenseur s'ouvrit. La rousse poussa Anna à l'intérieur et lui fit un petit sourire d'adieux. Anna comprenait un peu ce qu'il était en train de se passer. Une voix, rauque et fatiguée, parla à Anna dans le petit compartiment. La jeune femme croyait la reconnaître. « Anna, revient. ». Elle chercha un endroit où l'on aurait pu communiquer avec cette voix qu'elle savait être celle de son frère. Elle entendit une autre voix, faiblarde et interrompue par des sanglots, et elle reconnaissait là la voix de Laura. Laura était là. Dans l'ascenseur, ou dans la tour de contrôle... Ou ailleurs, peu importait à Anna de savoir d'où venaient les voix, elles étaient là, et c'était tout ce qui comptait. « Anna, c'est Laura... S'il te plaît... On s'est pas encore pardonnées l'une l'autre... Faut que tu reviennes, au moins pour ça. ». Anna sourit. L'ascenseur accéléra et monta à toute vitesse, percutant le toit, ou l'étage ou les portes ou... Il percuta le sommet, dans une explosion de lumières où Anna cru mourir.

 

« Maman ? Elle a ouvert les yeux... Oui, ça y est... Elle est là... »

En fait, c'était tout l'inverse.

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Oui, j'aime Hémon. J'aime un Hémon dur et jeune; un Hémon exigeant et fidèle, comme moi. Mais si votre vie, votre bonheur doivent passer sur lui avec leur usure, si Hémon ne doit pas pâlir quand je pâlis, s'il ne doit plus me croire morte quand je suis en retard de cinq minutes, s'il ne doit plus se sentir seul au monde et me détester quand je ris sans qu'il sache pourquoi, s'il doit devenir près de moi le monsieur Hémon, s'il doit apprendre à dire « oui », lui aussi, alors je n'aime plus Hémon!


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