« Tu as les mains froides, L...Luca... »
Il était un des seul en qui je pouvais avoir confiance. Et, parallèlement, j'étais l'une des seule à qui il faisait confiance, ou du moins, c'est ce que j'avais cru... Luca avait toujours prit soin de moi, nous n'avions aucun lien, et pourtant, il a été le premier a essayer de me faire sourire.
« Luca Brandenstein, vous avez aujourd'hui un franc succès auprès de tous les jeunes de votre génération ! Comment l'expliquez-vous ?
- Je pense tout d'abord que je peux remercier tout particulièrement ma mère, qui m'a toujours soutenu, et, bien sûr, mon frère, Angus qui a su m'écouter quand j'avais besoin de parler... Je dois avouer que j'ai pas mal morfler pour en arriver jusqu'i... »
Goujat. Et moi ? Pourquoi je n'ai aucun remerciement ? Il méritait bien que je coupe cette maudite interview ! Il me faisait mal. Lui qui m'avait promit de ne jamais me faire pleurer, et d'être toujours là pour moi... Où était passé ce Luca qui m'aimait ? Où était celui qui avait su me redonner le sourire quand je n'avais plus rien ? Pourquoi ce Luca que j'aimais était-il parti ? Je n'avais pourtant rien fait de mal... N'est-ce pas ? Je...
« Ne t'en fais pas, choupinette, je ne m'éloignerai pas de toi. »
Je me souviens encore de son sourire si sincère lorsqu'il m'avait dit cela. Luca envolé, promesses oubliées. Il n'était pas là, aujourd'hui. Il ne me prendrait pas dans ses bras lorsque mes larmes se mettront à couler, et ses mains ne caresseraient pas mes cheveux pour m'apaiser. Lorsqu'il avait cessé de me fréquenter, je n'avais pas bien saisi la raison de cet éloignement, et aujourd'hui encore, je n'arrive pas à comprendre. Pourquoi ?
Après tout, tout ce que j'avais fait, c'était de l'aimer. Oui, je l'aimais, et je lui avais dit. Je lui avait crié, hurlé, je l'avais pleuré devant lui, et serrant son pull entre mes doigts pour me donner du courage. J'avais décidé de mettre de côté mon égo, ce jour là. Apparemment, lui aussi, puisqu'après, il avait prit mon visage entre ses deux grandes mains. « Tu as les mains froides, L...Luca... ». Et il avait rapproché sa tête de la mienne très lentement. « Alors réchauffe les... ». Et il m'avait embrassée. Il m'avait embrassée, pour de vrai. Et je me rappelle que mon coeur s'était mis à battre à la chamade, menaçant d'éclater à tout moment, et j'avais aimé cette sensation. J'avais aimé aimer et être aimée. Et j'espère ne pas avoir rêvé, lorsqu'après ce baiser, il avait murmuré un petit « Je t'aime. »... Mais, il me semblait impossible que j'ai pu rêver, pas à ce moment là, c'était réel, et je le savais.
Et puis, un jour, il a cessé de m'appeler, ou même de répondre à mes appels. Deux semaines plus tard, il publiait son premier livre... J'avais été tellement blessée qu'il ne m'en ai pas parlé que je ne l'avais ni lu ni acheté. A ce moment là, mon coeur avait été brisé.
Bien sûr, je l'aime encore, l'entendre et le voir à la télé ou à la radio ne m'aide pas à l'oublier, mais la blessure qu'il m'a infligé n'est plus si profonde, bien que l'entaille soit importante.
Je pense qu'un jour, je serais capable de le regarder papoter à la télé sans avoir à l'éteindre à cause de ce pincement au coeur, oui, un jour, je pourrais entendre sa voix sans avoir envie de pleurer ou sans être folle de rage. Mais je doute que cela se produise très prochainement.
Soudain, la sonnette retentit. Dans un soupir, je me levai et bougonnai un « Qui ca peut être? » avant de me diriger vers la porte, d'un pas plutôt stressé et une allure lasse. Je me demandais quel genre de personne pouvait venir me déranger à 23 heures, alors que la prestigieuse interview tant attendue de Luca Brandenstein venait de se terminer. Alors, d'un geste brusque et en reniflant, j'ouvre la porte.
Etrangement, tout à coup, les battements de mon coeur s'accélèrent, pour perdre le rythme. J'ai l'impression d'être déréglée tellement mon coeur bat vite, je ne peux plus rien maîtriser, tant la personne qui vient me déranger me perturbe. Je connais ce visage par coeur, et cette odeur est gravée dans ma mémoire. Je sais que je ne rêve pas, je ne peux pas rêver, sa présence est évidente, et je la ressens : les papillons tourbillonnent dans mon ventre et j'ai cette attirance pour lui, comme s'il était un aimant.
-Je ne suis pas chez Mlle Maïa Reyborn ?
Ces yeux... Ces yeux que je reconnaissais ne m'avaient jamais semblé si lointains qu'en ce moment, jamais si inaccessibles. Pourtant, je les voyais à portée de main. Je n'avais qu'à faire un pas pour les atteindre, je n'avais qu'à faire un pas pour pouvoir m'y plonger, comme je le faisais autrefois.
- Mlle ?
- T...Tu...Ne me reconnais pas?
Et soudain, son visage s'était illuminé d'une tendresse et d'une passion infinie, ainsi que de la honte et du regret. Il avait entrouvert la bouche, mais l'avait refermée aussitôt, comme s'il craignait de dire quelques anneries qu'il regretterait par la suite. Je baissai la tête, embarassée.
- Tu as changé.
- Sans doute parce que ça fait presque un an que tu ne m'a pas donné de tes nouvelles, que tu n'as pas cherché à me contacter, que tu n'es pas venu.
- Tu es devenue encore plus jolie.
- J'ai mûri.
- Tu es extraordinairement magnifique.
- Je... Quoi ?
Je n'avais pas fait attention à ce qu'il avait dit. Mais ces mots me semblaient familiers.
« Tu es magnifique »
Il s'était alors approché de moi et avait tendu la main vers mon visage, semblant vouloir le toucher. Pour une raison qui m'échappe, il ne l'a pas fait. Au lieu de cela, il a reculé, noyant son visage dans l'obscurité de la nuit, laissant la lune l'éclairer tout de même un peu. Il a soupiré, amer, et a esquissé un sourire.
- Tu as lu « Voyageur » ?
- Ton premier bouquin ? Non. Ni le deuxième d'ailleurs.
- Bien.
Il tourna les talons.
- Hé ! L...Luca !
- Quoi?
- Où tu vas ?
- Pas très loin, mais je reviendrais, ne t'inquiètes pas. C'est promis.
Et il est repartit. Il s'est engouffré dans la voiture qui était garée devant chez moi et a démarré.
Tremblante, je me dirigeais à petits pas vers ma chambre. La blessure s'était rouverte. Il aurait mieux fallu attendre la guérison complète avant de m'infliger de nouveaux dégâts comme celui là... Vraiment...
Je m'allongeai, très lentement et sans pouvoir aller plus vite, dans mon lit et m'enfouissait dans les couvertures chaudes. La nuit porte conseil? C'est ce que nous allons voir...
Le lendemain, je me réveillai tôt, avec ce goût métallique dans la bouche qui vous donne envie de vomir. Très agaçant. Puis l'image de celui qui m'avait dérangé la veille me revint et s'imposa à moi : Luca était venu. Luca. Cet homme de huit ans mon aîné, celui qui a joué à cache-cache avec moi pendant des années... Celui qui m'a embrassée, celui qui m'a abandonnée. Celui qui m'a blessée, celui qui m'a rendue folle.
« Luca ! Oh... Tu... Tu veux entrer ? »
Je lui avais fait confiance, je lui avais montré ma chambre, confié mes secrets, fait lire mes journaux intimes, fait écouté la musique que j'aimais, demandé conseils... Je lui avais tout donné, en y repensant. Je m'étais donnée corps et âme à lui. Tout ça pourquoi ? Pour qu'il m'aime ! Et il me semble que j'ai été jetée. Comme si j'étais un passe-temps. [Et après, on veut nous faire que « c'est beau l'amour » ?!].
D'un pas lourd, je me dirige vers la porte et sors de chez moi pour aller prendre mon courier. Il n'y a pas beaucoup de courier, juste un gros livre et une enveloppe. Je prend le bouquin et regarde le titre.
« Voyageur, Luca Brandenstein »
Je soupire avant de concentrer mon attention sur l'enveloppe. C'est une belle écriture soignée, au stylo plume noir, de marque. C'est mon nom qui a été tracé avec soin sur cette enveloppe blanche, comportant quelques traces de doigts. Chancelante, je l'ouvre, ne sachant pas à quoi m'attendre. J'en sors une petite feuille pliée en deux, écrite avec cette même écriture soignée noire. Il me semble connaître cette écriture. Par réflexe, mes yeux vont vérifier la signature : Luca.
« Luca... »
Je commence la lecture de la lettre, et mes larmes commencent, elles, déjà à perler aux coins de mes yeux.
« Maïa, lis mon livre, et tu comprendras alors que je n'ai jamais voulu d'abandonnée comme je l'ai fait. C'était la pire chose que je pouvais te faire. Je suis sincèrement désolé. Je n'ai vraiment aucune excuse, si ce n'est que j'ai été un peu naïf sur ce coup là. Crois-moi, je t'en supplie, quand je te dis que ce livre contient tout ce que je n'ai jamais su te dire. Appelle-moi, Luca. »
Je commence à pleurer en prenant le livre entre mes deux mains. Je tremble en commençant la lecture.
Au fur et à mesure que je passe les pages, je comprend un peu mieux Luca, et ce qu'il ressent pour moi. Je ne pleure plus, je souris : ce livre est chargé de souvenirs, qui ne sont, évidemment, pas exprimé clairement, mais je comprend d'où viennent chaque évènements de ce bouquin. Il écrit bien, et je l'admire tellement... Je n'ai plus aucune envie de me fâcher contre lui, contrairement à ce matin.
J'atteins les dernière pages.
« Et le voyageur se sentit obligé d'admettre sa passion pour la douce tentatrice. Hannah lui avait fait découvrir le bonheur, mot qui lui avait semblé si inutilisable jadis. Oui, Connor se sentait bien, à présent. Ce premier baiser avec celle qu'il aimait avait été l'explosion qui lui avait fait prendre conscience de sa situation : peu importait l'endroit où il allait, du moment qu'Hannah y était également.
Celui qui se complaisait dans la solitude d'un bateau jusqu'à présent, venait de changer de bord. La sirène l'avait attiré dans ses filets et elle avait réussi à le faire couler. La vie du voyageur était entre ses mains. »
Il était Connor, Le Voyageur. J'étais Hannah, la sirène. Ainsi, il avait eu raison : tous ses sentiments étaient dans ce livre, dans cette histoire magique d'un marin.
Laissant tomber le livre, je me dirigeais vers mon téléphone et composais le numéro de Luca.
- Allô ?
- L...Luca ! Suffoquai-je.
- Maïa...
- Il faut qu...que tu...
Soudain, la porte s'ouvrit. Luca, raccrochant, s'avança vers moi.
Ce baiser fut le plus beau que nous échangeâmes de toute notre vie.
« Je t'aime... »